Alors que François Hollande vient de préciser son projet concernant la protection des droits d'auteur et que l’Hadopi est un sujet incontournable de la campagne, la présidente de la Haute Autorité répond aux questions du CPN.
Les socialistes ont vigoureusement combattu la loi Hadopi. Aujourd’hui, François Hollande dit qu’il ne supprimera pas votre autorité. Avez-vous un sentiment de revanche ?
Si une autorité entièrement dédiée à la protection des droits de propriété intellectuelle sur Internet perdure, je pense que c’est une bonne chose. Le travail fait en quelques mois est incroyable.
Va-t-il y avoir un Hadopi III ?
Cela concerne le législateur. Je fais le travail que l’on m’a donné. Il est possible et probable qu’il y ait de nouvelles interventions du législateur mais je ne peux pas vous dire quand, comment et pourquoi…
Que fait la Hadopi contre le streaming illégal ?
Nous sommes passés à une autre étape de la protection des droits d’auteur. Nous ne connaissons pas encore bien l’offre illégale de streaming. Nous avons donc lancé une étude approfondie qui donnera lieu à un rapport relatif au streaming et au téléchargement direct de contenus illicites. J’ai donc confié à la présidente de la commission de protection des droits, Mireille Imbert-Quaretta une mission sur le sujet car c’est directement lié à sa mission de protection des droits d’auteur.
« Les jeunes, souvent suréquipés en informatique, ne pourraient pas payer leur accès à la musique ? »
Nous souhaitons cibler et bien identifier ceux qui participent au financement de telles offres : les régies publicitaires et les entreprises de modalités de paiement. L’exemple le plus typique est MegaUpload derrière lequel se trouve le crime organisé. Nous mettons actuellement au point une cartographie de ce monde du streaming. Nous devrions avoir un premier point d’étape de cette étude prochainement.
Que pensez-vous de la licence globale pour étudiant comme l’a évoquée Aurelie Filippetti ?
Ce que je peux vous dire c’est que d’autres business models sont possibles et existent déjà : des abonnements Orange permettent par exemple l’accès gratuit à Deezer. Les jeunes, souvent suréquipés en informatique, ne pourraient pas payer leur accès à la musique ? Aujourd’hui la majorité des offres légales coûtent environ 10 euros par mois et certaines sont gratuites. Quant à la licence globale en général, la personne qui souhaite un abonnement simplement pour regarder ses mails et s’informer de temps à autre devrait-elle payer pour ceux qui téléchargent allégrement ?
Considérez-vous que le développement de l’offre légale soit lié à l’action de la Hadopi ?
Oui, c’est une des principales missions de l’Hadopi et c’est ce qui a poussé les acteurs à trouver des nouveaux modèles. L’efficacité de la réponse graduée est liée au développement de l’offre légale. Selon la nature des œuvres les problèmes et les contraintes sont extrêmement différents. Pour la musique, des business models relativement satisfaisants (Qobuz, Spotify, Deezer, etc.) ont émergé. Quarante et une plateformes sont labellisées par Hadopi, permettant aux internautes un accès à des contenus (musique, film, jeu vidéo, image, logiciel, livre, photo…) et modèles économiques (payant comme gratuit, abonnement ou à l’acte) divers. Sur le film, il y a plus de difficultés, même si la chronologie de médias protège le cinéma français.
La Hadopi va-t-elle rembourser les opérations d’identification des adresses IP aux FAI ?
Les FAI se plaignent de ne pas être remboursés de la contrepartie à laquelle ils pourraient avoir droit dans l’identification des adresses IP. Mais ces contreparties ne figurent en rien dans le budget de la Hadopi.
« Les Labs sont donc des plateformes de réflexion qui accueillent tous les acteurs intéressés. »
C’est un problème gouvernemental. A chaque fois qu’un FAI nous a demandé un remboursement nous avons donc envoyé la demande de remboursement au ministère de la culture.
Dans le blocage des accès à Internet, les FAI seront-ils remboursés, comme ils le sont désormais pour le blocage des sites de jeux d’argent ?
Les blocages sont différents puisque pour les jeux, ce sont les sites entiers qui sont bloqués tandis que pour les téléchargements illégaux, c’est l’accès à Internet de l’utilisateur qui peut être suspendu, après décision du juge. Le blocage de l’accès à Internet sera aussi plus cher.
Vous tenez à l’action de vos "labs"...
Eric Walter, Secrétaire général de l’Hadopi, a eu pour idée de mettre les Labs au service d’une réflexion globale pour répondre à des problématiques globales. Les Labs sont donc des plateformes de réflexion qui accueillent tous les acteurs intéressés. Notre mode est celui de la collaboration, largement ouvert. De ce brain storming se dégagent des études solides.
Comment vivez-vous au quotidien le déferlement d’articles sur la Hadopi ?
Certains ne seront jamais d’accord avec nous. La majorité des Français accepte la Hadopi mais nous ne pourrons cependant pas éradiquer totalement le piratage. Notre objectif est donc la recherche d’un équilibre sur les marchés culturels en ligne tout en faisant émerger des business models et en faisant changer les mentalités.
Ces business models ne semblent pas encore à l’équilibre …
Ils varieront. La technologie évolue et donc les modèles vont encore évoluer. Par exemple, la télévision connectée n’est pas encore stable et on ignore comment elle va évoluer.
Propos recueillis par Pierre Laffon