La campagne présidentielle a permis au Club parlementaire du numérique d’organiser un débat très politique autour des chargées du numérique de l’UMP et du PS.
L’affiche était belle. Et entre les chargées du numérique des « deux partis de gouvernement », Laure de la Raudière pour l’UMP et Fleur Pellerin pour le PS, le match a bien eu lieu. Lors de la première mi-temps qui se déroulait autour du thème des infrastructures, les débats ont été plutôt feutrés. Comment s’opposer sur un sujet qui fait consensus, personne ne contestant l’ambition de couverture du territoire en Très Haut Débit ? « Qu’est-ce qui a été fait depuis 2007 ? » tente pourtant d’attaquer d’emblée Fleur Pellerin. « Il faut mettre en place une vraie péréquation nationale » affirme-t-elle. Son objectif est une couverture intégrale du territoire dans les 10 ans avec pour objectif intermédiaire, d’ici 5 ans, l’accès à une offre Triple play pour tous les Français. La socialiste souhaite également promouvoir des solutions alternatives à la fibre comme les solutions hertziennes. Pour Laure de la Raudière, il faut s’interdire tout misérabilisme puisque « les pays européens nous envient » : offre Triple play la moins chère d’Europe, accès pour 70% de la population française à 7Mbt/s et 90% de la population à 2Mbt/s, lancement d’une quatrième licence de téléphonie mobile par le Gouvernement, objectif imposé aux opérateurs de couvrir à terme 99,6% de la population en 4G… Pour l’instant, avec le plan national Très Haut Débit, l’objectif reste pour l’UMP une couverture en THD de 100% du territoire en 2020.
Comment financer ce déploiement ? C’est cette question que tient à poser Jean Dionis du Séjour en précisant : « Le déploiement du THD représente entre 20 et 25 milliards d’euros : 6 à 7 milliards avancés par les opérateurs et 2 milliards d’euros par les investissements d’avenir. » Et de conclure son calcul : « Il reste à trouver 17 milliards d’euros de fonds publics ». Sur ce point Fleur Pellerin renvoie à « certaines pistes de financements » et préfère critiquer le schéma de déploiement du Gouvernement donnant trop de place au « marché » et ce, au profit des zones denses. Aussi, dément-elle l'information selon laquelle François Hollande serait favorable à une séparation fonctionnelle du réseau et des services de France Télécom-Orange. Laure de la Raudière appelle pour sa part de ses vœux un déblocage de 4 à 5 milliards de la part de l’Etat ce qui permettrait une lisibilité pour les collectivités locales par rapport à leurs projets. Sur 10 ans, cette enveloppe, nonobstant la situation des finances publiques, ne semble pas insurmontable pour Laure de La Raudière. L’élue UMP compte également sur les investissements des collectivités comme cela est le cas pour tous les projets d’infrastructures (autoroutes, TGV...) Pour l’UMP, 35 à 40% du déploiement du THD doit être assuré par l’Etat y compris les collectivités territoriales.
« La gouvernance mondiale d’Internet est un beau sujet à mettre sur la table pour la prochaine campagne » Laure de la Raudière
Autre piste de réflexion selon Fleur Pellerin pour le financement du déploiement : « Revoir la politique de l’Etat actionnaire vis-à-vis de France Télécom ». Vient alors la question de l’économie numérique et des dispositifs fiscaux à modifier ou mettre en place. Pour Fleur Pellerin les modalités actuelles du crédit impôt recherche favorisent les grandes entreprises par un effet d’aubaine. Concernant ce CIR, elle milite donc pour son re-plafonnement, la mise en place d’une dégressivité et le calcul de l’assiette fiscale au niveau du groupe et non des filiales. L’objectif est de favoriser les PME. Quant aux rebondissements législatifs autour du fameux statut des jeunes entreprises innovantes, il illustre selon Fleur Pellerin l’instabilité fiscale et réglementaire du Gourvernement.
Financement de la culture
Commençait la deuxième mi-temps du match qui s’est déroulée autour des usages numériques en général et d’Hadopi en particulier. Si Laure de la Raudière n’a pas voté la loi Hadopi à cause du dispositif de blocage d’Internet, elle préfère souligner le rôle positif de l’autorité de protection des droits qui a permis le développement d’une offre légale en France. Promouvoir l’offre légale passe aussi par une lutte contre le téléchargement illégal. Cette lutte est assise sur deux piliers selon Laure de la Raudière : la pédagogie comme le fait la Hadopi, et la lutte contre les sites de téléchargements illégaux par une coopération internationale. La gouvernance mondiale d’Internet ? « C’est un beau sujet à mettre sur la table pour la prochaine campagne ».
« La Hadopi n’a pas beaucoup fait pour le développement de l’offre légale » Fleur Pellerin
Sur ce point Fleur Pellerin était attendue. « François Hollande veut remplacer le dispositif Hadopi. » rappelle-t-elle. Elle ajoute : « La Hadopi n’a pas beaucoup fait pour le développement de l’offre légale. L’émergence de Deezer ou Spotify n’est pas liée à l’action de la Hadopi » affirme Fleur Pellerin qui dénonce au passage les méfaits de « la surveillance généralisée des usagers » et la clémence envers « les sites faisant commerce à partir de contenus illicites ». Comment donc financer la culture ? Quelle contribution doivent apporter les grandes entreprises du Net ? L’usager doit-il être mis à contribution ? Fleur Pellerin tient à préciser qu’il « n’a jamais été question de licence globale » et reconnaît qu’une confusion était possible à la lecture de la première version du programme de François Hollande. « Il y aura une contribution des opérateurs du numérique qui profitent de la circulation numérique des œuvres » Qu'entend-elle par "les opérateurs du numérique" ?« Les FAI mais aussi ces acteurs internationaux comme Apple et Google qui profitent d’une situation fiscale favorable par rapport à nos acteurs locaux ». « Vous allez refaire une taxe Google ? » lance la députée UMP qui s’est battue contre ce mécanisme fiscal. En guise de réponse, Fleur Pellerin avance deux pistes de réflexion : accélérer le passage de la TVA dans le pays du consommateur et taxer les opérateurs en « captant » et « territorialisant » de la valeur sur des grandes entreprises. « Je suis curieuse de voir comment vous allez faire ! » réagit son adversaire politique. Les débats ne font que commencer…
Pierre Laffon