Questions à Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication, sur la Commission « copie privée » Pourquoi avoir refusé la démission des représentants des industriels en novembre ? Cela aurait permis de les remplacer ? Il y a démission et démission. La commission dite « copie privée » est composée de façon paritaire : sur 24 membres, 12 sont des représentants des ayants droit, bénéficiaires de la rémunération pour copie privée, et 12 représentent ceux qui vont acquitter cette rémunération, eux-mêmes répartis en deux collèges, soit 6 représentants des consommateurs et 6 représentants des fabricants et importateurs des matériels qui entrent dans le champ de la rémunération pour copie privée. Lorsque 5 des 6 représentants d'un collège souhaitent démissionner en même temps, très peu de temps avant la réunion au cours de laquelle doivent être fixés de nouveaux barèmes qui remplaceront ceux qui vont arriver à échéance, il ne s'agit pas de démission classique mais bien d'une volonté concertée d'empêcher le fonctionnement normal de la commission. Il n'était pas possible, dans les délais impartis avant la tenue de cette réunion, de remplacer les intéressés. |
Je ne crois pas au chantage ni à la dramatisation. Je crois à la discussion sereine et constructive. C'est pourquoi j'ai proposé aux différentes parties prenantes des réunions de travail avec mon cabinet au mois de janvier, afin d'écouter leurs positions et leurs propositions d'évolution de la rémunération pour copie privée.
Quelle est votre message à ces représentants afin de les convaincre que l’augmentation de ces taxes est nécessaire ?
D'abord leur dire qu'il n'y a ni taxe, ni augmentation. Je tiens tout d'abord à rappeler que la rémunération pour copie privée n'est pas une taxe ni une redevance ni une imposition. Elle n'est d'ailleurs pas perçue par le Trésor public. Comme son nom l'indique, c'est une rémunération, contrepartie légitime de la possibilité de copier sur les supports concernés, à des fins d'usage privé, des contenus culturels sous droits. Comme vous le savez, je suis très attachée à la défense du droit d'auteur. Le fait de prévoir que, lorsqu'on copie une œuvre qui n'est pas dans le domaine public, l'auteur puisse bénéficier d'une rémunération, est l'une des formes du droit d'auteur, prévue par le code de la propriété intellectuelle. C'est un principe légitime, puisque la pratique de la copie privée peut entraîner des pertes importantes pour les titulaires de droit d'auteur en se substituant à la vente de supports enregistrés.
Par ailleurs les barèmes ne sont pas fixés arbitrairement, ils sont encadrés par les textes et la jurisprudence et doivent s'appuyer sur des études d'usages. Ainsi, les nouveaux barèmes qui viennent d'être publiés se situent à des niveaux comparables aux barèmes précédents, avec des ajustements qui tiennent compte des pratiques de copie telles qu'elles ressortent de ces études d'usages.
Comment trouver un accord « à l’amiable » avec les industriels ?
Comme je l'ai indiqué, une série de réunions sont prévues avec les différentes parties prenantes. Je souhaite sincèrement que le dialogue soit rétabli et qu'il soit productif. Le dispositif de la copie privée en France est un dispositif qui me paraît résolument moderne : la rémunération pour copie privée n'est pas un taux arbitraire fixé par l'État, mais elle est déterminée par une commission indépendante, composée paritairement, qui réfléchit à partir d'études d'usages. Il serait dommage de se priver d'un tel mode de fonctionnement.
On attend les conclusions de la mission Lescure. Envisagez-vous une nouvelle manière de fixer les barèmes à l’avenir ?
Il y a plusieurs questions. Celle du fonctionnement voire de la gouvernance de la commission – il me semble légitime que cela relève en priorité de la commission elle-même, avec l'appui du ministère. Celle de l'évolution rapide des supports de copie, qui appelle également une réflexion sur le périmètre de la rémunération pour copie privée – certains supports sont devenus obsolètes, de nouveaux usages sont apparus... La mission Lescure, qui réfléchit à l'ensemble des mécanismes de l'exception culturelle à l'heure du numérique, travaille sur ce sujet, mais sans exclusivité, et je reste à l'écoute de toutes les contributions.
Propos recueillis par Joseph d’Arrast