Les sénateurs ont adopté hier, dans les mêmes termes que l’Assemblée, la proposition de loi relative à l’équipement numérique des salles de cinéma. Environ un tiers des quelque 5500 salles françaises a déjà opéré cette transition.
Il en coûte environ 80 000 euros à l’exploitant d’un établissement cinématographique pour s’équiper en numérique… Une innovation source d’économies, mais principalement pour les distributeurs. Ces derniers fournissent en effet à moindre coût les fichiers numériques qui remplacent les anciens supports (bobines de films argentiques). La loi votée par le Parlement institue donc assez logiquement une contribution des distributeurs, mesure qui n’a pas l’air d’émouvoir dans la sphère de l’industrie cinématographique. Sur la scène politique, seuls les communistes et le parti de gauche se sont abstenus.
Une contribution indolore
Pour les œuvres inédites de longue durée, la loi institue une contribution due, « au titre de chaque salle », pour une durée de deux semaines suivant la sortie nationale du film. En revanche, pour les œuvres à caractère publicitaire (excepté les bandes-annonces), elle est due au titre de chaque projection.
Son montant, qui fait l’objet d’une négociation entre les parties, doit rester inférieur à la différence entre le coût de la livraison sous support photochimique et celui sous format numérique. La participation des distributeurs à l'équipement des salles restera ainsi relativement indolore. Elle est requise jusqu’à ce que la couverture du coût de l’installation initiale soit assurée, sachant qu’un délai maximal est fixé à 10 ans, au 31 décembre 2021.
Préserver la diversité de l’offre cinématographique
En même temps qu’il assure une source de financement, le texte de loi veut se prémunir contre d’éventuelles atteintes à la diversité de l’offre. Il prohibe donc toute pratique qui rendrait le choix de distribution ou de programmation dépendant des conditions de versement de la contribution. Un comité de concertation réuni par le président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) doit veiller aux bonnes pratiques dans ce domaine. Par ailleurs, un comité de suivi doit évaluer l’application de la loi dans un délai d’un an après sa promulgation, notamment pour voir si elle répond « aux exigences de diversité culturelle (…) et d’aménagement culturel du territoire ».
Le risque de fracture numérique est partout…
Dans le monde du cinéma, entre les grands circuits de salles et les exploitants indépendants, la crainte de voir se creuser une fracture numérique anime les débats. Car si la contribution est versée « lors des deux premières semaines suivant la date de sortie nationale de l’œuvre », les petites salles qui projettent en troisième semaine, par exemple, ne sont pas concernées. Plus la programmation d’un établissement est “déconnectée“ des dates de sortie nationale, moins elle génère de contributions des distributeurs. C’est une des raisons pour lesquelles l’aide à la numérisation pour les salles de cinéma (1), qui vise en particulier les exploitants des villes plus modestes, vient en complément de la loi votée hier par le Sénat. Elle a été mise en place par le CNC après le refus opposé par l’Autorité de la concurrence au projet de Fonds de mutualisation et s’ajoute aux subventions accordées par les collectivités territoriales pour soutenir les salles indépendantes. C’est le cas notamment en Ile-de-France et en Aquitaine.
Armel Forest
1 : Décret n° 2010-1034 paru au Journal Officiel le 2 septembre 2010.